Post Mortem – Partie 3 : Apprendre ou créer ?


Ceci est la partie 3 du post mortem de mon jeu, L’Antre du Protecteur. Elle fait suite à la Partie 2 – Un jeu en 2D avec Unity3D.

4 ans, c’est long. Et rester concentré sur une telle période implique d’être discipliné. Une des difficultés majeures, c’est de résister à la tentation de lancer plein d’autres projets en parallèle. De nouvelles idées de jeu poppent inévitablement dans mon esprit et il faut absolument les repousser (quitte à les noter quelque part) afin de ne pas retomber dans un cycle infini de nouveaux projets inachevés. Comme expliqué précédemment, il faut aussi garder une cohérence dans le jeu, ce qui implique de ne pas pouvoir s’écarter du style défini initialement et d’être limité dans ce que je peux expérimenter.

De fait, les moments d’apprentissages deviennent plus rares. Bien sûr, chaque dessin, chaque ligne de code, malgré les contraintes, peut potentiellement m’apprendre un petit quelque chose de plus. Néanmoins, il y a aussi beaucoup de moments où je me retrouve en pilote automatique, à dessiner ou coder machinalement sans jamais vraiment sortir de ma zone de confort. Mon cerveau se conditionne à toujours faire « ce qu’il faut » plutôt que « ce que j’ai envie ». Si l’envie me prend de dessiner, dessiner autre chose qu’un élément du jeu semble alors être une perte de temps.

Si ne pas dévier trop souvent de sa trajectoire est nécessaire, je me rends cependant compte de plusieurs soucis :

  • À force de ne plus m’autoriser de moments d’apprentissages et de fun, la motivation et le plaisir de faire ce que je fais diminuent.
  • J’ai tendance à ne plus expérimenter assez en début de projet et m’arrêter très vite au premier truc que je sais faire et qui est suffisamment satisfaisant, de peur de perdre du temps.
  • D’un autre côté, apprendre de nouvelles techniques permet en réalité de gagner du temps, et certaines choses apprises un peu tardivement m’auraient été utiles bien plus tôt.
  • Je ne progresse plus assez d’un projet à l’autre.

Il y a donc une balance à trouver entre apprentissage et création. La question que je me pose est donc quelle part accorder à l’apprentissage pendant la création d’un jeu ? Comment faire en sorte de garder cet aspect fun sans trop dévier des priorités et sans casser l’homogénéité du jeu ? Est-ce que mon jeu était tout simplement trop long ? Avec des projets petits, il est sans doute plus facile de revenir régulièrement à cette phase d’expérimentation de début de projet, mais cela laisse aussi plus d’opportunités d’apprendre entre un projet et le suivant.

En cherchant des réponses sur le web, je retrouve beaucoup cette idée que créer est plus important, car tu apprends en créant, là où « juste » apprendre ne serait pas productif. Je trouve que c’est une vision un peu simpliste. Pour moi, il y a lieu de distinguer de nombreux cas possibles, chacun ayant ses avantages et ses inconvénients. Il s’agirait surtout de balancer correctement tout ça.

Un apprentissage passif qui se résumerait à lire un bouquin ou regarder une vidéo, sans plus d’effort.

Le sujet n’est peut-être pas assimilé beaucoup, mais ça peut être l’occasion d’élargir ses horizons. Découvrir des outils, des idées, des techniques, une vision jusqu’alors inconnus et qui peuvent être creusés plus tard. Bien entendu, ne faire que ça ne mènera à aucun progrès.

Un apprentissage plus actif avec prise de notes, mémorisation ou des recherches plus approfondies.

Même chose, si ce n’est que les idées seront mieux assimilées.

Un apprentissage plus actif qui consisterait, par exemple, à reproduire les étapes d’un tutoriel sans y apporter sa propre créativité.

On met les mains dans le cambouis ce qui est plus concret, et plus facilement transposable à de vrais projets par la suite.

Un apprentissage actif où l’on crée quelque chose, mais dans le seul but d’apprendre, le résultat pouvant être jeté à la fin.

Dans ce cas-ci, on apprend en faisant, et même si la « productivité » est nulle, c’est surtout l’occasion d’expérimenter plus, de prendre plus de risques. Là où un vrai projet avec des vrais enjeux serait naturellement plus contraignant.

La création de quelque chose hors de sa zone de confort, sur lequel on apprend beaucoup.

Certainement le cas idéal en terme d’apprentissage et de productivité. Cependant, je me vois difficilement foncer dans ce genre de chose sans avoir tâté le terrain via les options précédentes.

La création d’un projet en pleine zone de confort, potentiellement utile mais n’apportant aucun apprentissage. Cela peut aussi s’appliquer à certaines parties d’un projet.

C’est, je crois, ce qui me pose le plus problème et le sujet principal de ce post. Il est optimiste de penser que 100% du temps passé à « faire » est du temps passé à apprendre efficacement. Une bonne partie du code de mon jeu était très facile à écrire et ne m’a pas appris grand-chose. Une bonne partie du temps passé sur les graphismes consiste à poser les aplats de couleur sans grande participation de mon cerveau dans le processus.

Ma question est donc : comment minimiser ce temps-là ? Comment au maximum continuer d’apprendre pendant la création ?

Je dois bien avouer que je n’ai pas encore de réponse claire à ces questions, qui se posent d’ailleurs sur tout type de projet et pas seulement dans le jeu vidéo. Votre avis m’intéresse donc. Qu’en pensez-vous ? Comment gérez-vous ça ? Et en parlant d’apprentissages pendant la création, il est temps de parler de ceux-ci dans la suite de ce post mortem : Partie 4 – Apprentissages.

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